LA CÉRAMIQUE SIGILLÉE
ou le premier mariage de l'industrie et de la mode


Il existait en Grèce et dans ses colonies dans les trois siècles précedant notre ère un grand nombre d' ateliers produisant une poterie à reliefs moulés, revêtus d'un bel engobe rouge. Le rayonnement de certains de ces centres fut suffisament important pour que l'on donne leur nom à toutes les poteries de ce type.
Sigillum ( de signum ) signifie petite marque, et par extension sceau, cachet.
Le terme terra sigillata apparaît au 19 ème siècle pour définir cette céramique fine à vernis rouge, souvent ornée de sceaux ou signée de poinçons.
En Toscane, à Arezzo ( Arretium ) les potiers ont adopté au premier siècle avant J.-C. ce style et développé avec l'emploi conjoint du décor en relief ce type de céramique dite sigillée qui allait devenir par son aspect luxueux, et par sa qualité la marque de reconnaissance de tout l'empire romain, dont la Gaule allait faire une véritable industrie.

Une caisse de céramique sigillée enfouie sous les cendres du Vésuve en 79 est retrouvée par les archéologues italiens de Pompei révelant avec surprise qu'elle ne vient pas d'Italie mais de la Graufesenque près de Millau !.
Pourquoi et comment la Graufesenque qui ne possède pas de voie navigable, a t-elle développé en moins d'un siècle une activité que l'on peut qualifier d' industrielle impliquant plus de cinq cents ateliers qui ont sûrement produit plus d'un milliard de pièces ?
Le miracle de la Graufesenque réside probablement dans un gisement d'argile inépuisable qui procure en même temps un corps et un revêtement d'un accord parfait, mais son succès est surtout du à la qualité de sa fabrication.

Dans les vingt premières années de notre ère les premiers essais imitent Arezzo.
De 20 à 40, la production inonde brutalement le marché : les vases sont d'un rouge brillant corallin mis en valeur par un décor sobre à dominante végétale. La qualité du vernis est inédite et ne sera nulle part ailleurs égalée.
De 40 à 60 ce sont les années de splendeur de la Graufesenque. Le vernis rouge atteint son sommet dans les années 50 de notre ère : qualités de brillance, d'adhérence et de couleur.


Les années 80 à 120 sont celles de profusions de personnages d'un style empâté, ou de scènes érotiques.
Des campagnes de fouilles successives, furent entamées au XIXe siècle parl'abbé Hermet ( 1856-1939 ). Il découvrit ce fameux site millavois et voyait dans les scènes évoquées plus haut la cause d'un chatiment divin qui aurait provoqué l'extinction du site.
Que l'on adhère ou non à cette hypothèse dont chacun jugera du bienfondé, il n'en reste pas moins que la fin
du I er siècle marque le déclin de la Graufesenque au profit de nouveaux centres importants de productions, tel celui de Lezoux dans le Puy de Dôme ( Musée ) durant le deuxième siècle suite sans doute aux déplacements des garnisons romaines, qui ont pu servir de fonds de clientèle en même temps que de diffuseur de mode auprès des populations romanisées, jusqu'en Germanie, Grande Bretagne et tout le pourtour méditérranéen.
L'insécurité des 3 ème et 4 ème siècle ( épidémies , invasions ) signe la disparition des derniers centres artisanaux de production , en même temps que celle de l'empire romain.

Les échanges facilités par La Pax Romana des deux premiers siècles permit à la céramique sigillée d'être un signe de romanité, autant qu'un outil de romanisation qui nous a laissé le témoignage vivant d'une société et de l'idée qu'elle avait de son art.

Documentation et photographies : Jean GIREL - La Terre sigillée

Découverte de la céramique sigillée :

Musée de Millau et des Causses, Hôtel de Pégayrolles, place Foch, 12100 Millau. Tél. 05.65.59.01.08. Ouvert toute l'année. Tous les jours y compris les dimanches et jours fériés du 1er mai au 31 octobre. Tous les jours (sauf dimanche et jours fériés) du 1er novembre au 30 avril. Heures d'ouvertures : de 10 h à 12 h et de 14 h à 18 h.